“Il y a quand même dans la rue des gens qui passent”


Flotoir du 22 décembre 2023 au 9 janvier 2024 où il est question d’Imre Kertész, Robert Bober et d’autres…


Photo florence trocmé,

photo florence trocmé, 2021


Les phrases
Cette très belle citation de Muriel Pic, offerte par Virginie Gautier dans une note de lecture pour Poesibao, que je suis en train de préparer ! « Je sais seulement qu’il y a parfois des phrases qui restent, qui résistent, qui se déforment en résonnant, qui deviennent plus vastes, plus lointaines, plus anciennes, plus proches, plus inédites, des phrases qui dérivent, suscitant des fleuves, des lacs, des mers, des océans, des sources. Il y a des phrases qui vous emportent dans le rêve, des phrases qui enclenchent la rêverie et mettent en état de divagation, des phrases qui jouissent. »  (Rêve d’oiseaux, p. 102).
Des phrases qui restent, ce pourrait être une belle définition de la poésie !

Des choses à ne jamais oublier
Question de Ellen Hinsey à Tomas Venclova dans leur entretien au long cours (Le Nord magnétique) : « En outre, du fait du statut de la Lituanie au sein de l’Union soviétique, à l’opposé de la situation dans les pays satellites, le niveau de répression a été particulièrement intense dans les premières années. Le pays a perdu un sixième de sa population en raison des déportations, de la guerre et de la résistance. [Réponse de Tomas Venclova] : « Un sixième, c’est ce qu’indiquent en général les manuels d’histoire, bien que ce soit peut-être exagéré. Quoi qu’il en soit, les pertes ont été horribles, même si nous ignorons le chiffre exact. Toutes n’ont pas été causées par les Soviétiques ; pratiquement tous les Juifs de Lituanie – qui représentaient environ de sept à huit pour cent de la population – avaient été exterminés par les nazis. » (p. 431)

Jurgis Baltrušaitis,
Il est question dans ces pages de Jurgis Baltrušaitis (1873-1944), poète symboliste, qui est en fait le père du célèbre historien d’art Jurgis Baltrušaitis (1903-1988), auteur notamment du fameux livre sur les anamorphoses et perspectives curieuses. (p. 445)
Dans un autre registre, Hinsey et Venclova évoque un cas d’auto-immolation qui est moins connu sans doute que celui de Jan Palach : le 14 juin 1972, « Romas Kalanta, un lycéen de dix-neuf ans, s’est rendu dans le square situé devant l’opéra de Kaunas, a versé de l’essence sur son corps et a craqué une allumette. Des acteurs qui répétaient à l’intérieur du bâtiment se sont précipités pour tenter de le sauver, mais il était trop tard. Kalanta est décédé dans un hôpital après plusieurs heures d’atroces souffrances. » (p. 456)
Question aussi des groupes d’Helsinki qui étaient des mouvements de résistance d’intellectuels.

Immigrer
Venclova décide d’immigrer. Il va faire une demande le 9 mai 1975 pour aller enseigner à Berkeley où il est invité. Cette demande mettra plus d’un an à aboutir, mais elle aboutira. Il aura beaucoup hésité mais aura fini par se rendre à la raison.  « Concernant les débats sur l’émigration, le texte le plus franc que j’aie lu en samizdat était dû à Igor Mel’čuk, un sémioticien devenu plus tard professeur au Canada. Je ne me rappelle plus si cette lecture avait précédé ma décision ; quoi qu’il en soit, je souscrivais alors à chaque phrase de ce texte (ce n’est que plus tard que j’ai commencé à émettre certaines réserves quant aux propos de Mel’čuk). Mel’čuk commençait par un principe à demi sérieux, mais indispensable, déclarant qu’il ne s’adressait qu’à ceux qui partageaient sa ligne de pensée. Ensuite, il proposait trois axiomes. Primo, l’Union soviétique, dans l’état où elle se trouvait alors, était une nation criminelle promouvant une idéologie erronée : dans sa quête de la domination universelle, elle planifiait des aventures militaires dangereuses pour la survie de l’humanité. Secundo, on ne pouvait vivre en URSS sans participer à ses crimes, ne fût-ce qu’en payant ses impôts. Tertio, les intellectuels soviétiques, notamment les artistes libéraux et avant-gardistes, contribuaient davantage aux crimes du système que tous les autres en créant l’impression que l’URSS était un pays relativement normal – ce qui n’était certainement pas le cas. Suivait un théorème : il n’existe que deux façons d’éviter d’être impliqué dans les infâmes activités de l’État soviétique. La première : être incarcéré par cet État. La seconde : quitter le pays. » (p. 472)
→ c’est effrayant de voir comment rien n’a changé depuis. Ces propos pourraient avoir été écrits hier.
Venclova quitte finalement l’URSS le 25 janvier 1977.

Les régions de confins
Très intéressante remarque. Il est question de l’étonnante juxtaposition des cultures en Lituanie. « J’ai écrit quelque part que cette juxtaposition spatiale des cultures permettait de comprendre leur existence relative dans le temps ; le fait qu’elles se superposent tout en restant mutuellement opaques nous enseignait le sens de la distance indispensable à un écrivain. Cette situation s’apparentait passablement à celle de l’Irlande de Joyce et, plus encore, à celle de l’Empire austro-hongrois de Franz Kafka, Robert Musil et Joseph Roth. Les grands auteurs viennent très souvent de régions des confins. » (pp. 550-551)

Gagner du temps, oui mais
Petite incidente en travaillant mes notes pour ce Flotoir : mettre en œuvre toutes les bonnes procédures qui permettent de gagner du temps dans le travail (mais aussi dans la vie quotidienne), mais que ce ne soit jamais au détriment du soin mis à faire les choses (pour le Flotoir, travail rédactionnel, révision, respect des codes et usages typographiques). Il me semble que c’est une forme d’attention (aux deux sens du terme) à ce que l’on rapporte.

Les Miłosz
Un grand chapitre est consacré à Czesław Miłosz (1911-2004) que Venclova connaissait déjà et qu’il va retrouver aux Etats-Unis. Il est question aussi de « mon » Milosz, « Le cas d’O. V. de L. Milosz, précédemment évoqué, est encore plus complexe : son père était un noble polonais, sa mère une Juive ; lui-même était né et avait grandi en Biélorussie. Il avait opté pour la citoyenneté lituanienne et avait servi comme diplomate lituanien de tendance antipolonaise, sans jamais apprendre la langue de son pays d’adoption. Il a exclusivement écrit en français. » (p. 552)
Czesław Miłosz était polonais et américain mais il avait des racines lituaniennes par sa mère.

Pas écrivain
J’ai renoncé à être écrivain – mais je continue à écrire – écrire c’est presque comme respirer – si j’arrête d’écrire, je meurs sur pied – je ne suis pas écrivain et encore moins poète mais j’écris, je ne suis pas photographe mais je prends des photos depuis l’enfance – je ne suis pas pianiste, mais je joue du piano depuis toujours. J’aurais du mal à vivre sans stylo, piano, photo. Je m’occupe de mes O et de mes Oirs (Flotoir, Logoir, Notoir, Correspondoir, etc.) (mais ne suis pas du côté des verbes en -oir, devoir, falloir, pouvoir, savoir, vouloir). Bonsoir.

Les mêmes photos
Je relève ce propos de Thierry Crouzet : « J’aime refaire plus ou moins les mêmes photos, notamment des couchers de soleil devant la maison à l’automne et en hiver. Une façon de rappeler à moi-même la nécessité d’une constante attention aux merveilles les plus ordinaires. » C’est exactement ce que je fais quand je suis en Bretagne et ce n’est bien sûr jamais la même chose. Les siennes sont très belles.

Vivre / Écrire
Hier soir, lu chez Bober je crois, je vais le retrouver plus tard, qu’il ne se sentait jamais autant vivre que quand il écrivait. Je ressens exactement la même chose et c’est sans doute pourquoi les quelques mots matinaux du Logoir me sont si importants, au même titre que la méditation de pleine conscience !

Robert Bober, précisément
Le livre de Robert Bober ne m’emballe pas, à part quelques pages très émouvantes, souvenirs de la guerre, d’amis enfants déportés comme Henri Beck. Le livre est écrit sous une forme que je trouve un peu artificielle de lettres à son ami Pierre Dumayet, décédé depuis longtemps. Il évoque la belle histoire d’un artiste qui dessine des enfants sur les murs du Donbass puis désormais ailleurs en Ukraine et qui fait dessiner les enfants. Pseudonyme, Seth (Julien Malland).  Il y a beaucoup d’images, qui sont bien sûr peu mises en valeur sur liseuse.

Le travail
Kertész dans le Spectateur rejoint Rilke et tant d’autres : « Important : le travail, ce sacerdoce austère, doit rester ma vie secrète – ce secret est la quintessence de ma vie, si je n’ai pas de secret, je n’ai pas de vie, je me transforme en mammifère invertébré. –«  (p. 57). je tends à penser que c’est ce que Cynthia Fleury appelle l’individuation.

Tentation
Il est profondément désabusé dans ce livre Kertész et comme souvent les personnes âgées, il aspire à se retirer du monde tel qu’il va, tout en restant, de manière constitutive, lié à ce qui lui est arrivé, profondément captivé et à l’écoute de ce monde : « Comme les animaux au crépuscule, l’homme se retirerait volontiers pour ses vieux jours dans sa caverne lointaine, obscure et solitaire. – La dépression approche comme des nuages qui s’amoncellent et me cernent de toutes parts. La plus grande faute, celle qui nous fait souffrir le plus, pour rien, parce qu’on ne peut rien y changer, c’est quand même le manque d’amour. La lecture des journaux balaie pour la journée toute raison, tous mes efforts de rationalité. Comprendre que la vie moderne, avec ses gadgets techniques, même ceux qui sont bien intentionnés, a chassé la vie classique telle que nous la connaissions jusqu’ici, y compris l’art, mais aussi la simple pensée, la lecture, l’univers tragique, la grandeur, la résistance héroïque à l’univers – tout, tout, tout ? Mehr Licht, aurait dit Goethe ; mehr Einsamkeit [davantage de solitude], dirais-je ; j’aspire à la solitude, la solitude. » (p. 60)

De la Hongrie
Il est terrible pour son pays, la Hongrie, et bien des choses qu’il écrit font penser à certains comportements des dirigeants hongrois d’aujourd’hui, liés bien sûr à la société hongroise telle qu’elle est. C’est un thème récurrent, presque lancinant, dominé par le rejet de son œuvre par son propre pays. « 2 avril 1994. Il est tout à fait évident que je n’ai pas ma place – ou pour être plus précis : que ma place n’est pas dans la littérature hongroise. La littérature hongroise m’a exclu avant même que j’aie commencé à écrire : la conscience hongroise avait choisi le refus de la modernité, la fermeture. La conscience hongroise ne laisse pas de place au conflit, la conscience hongroise a choisi de se poser en victime – fausse conscience historique, provincialisme littéraire et mensonge généralisé. » (pp. 63-64)

Bouleversant et si profond
« Choisir entre le malheur et le malheur : vivre dans cette fausse alternative ; l’homme tombe tôt ou tard sur Dieu qui le comprend, le prend au creux de sa main comme un enfant en pleurs. Mais il y a aussi un autre Dieu : lui est inaccessible, parce qu’il n’existe pas. Lui est mon Dieu. » (p. 65)
C’est que « L’animal domestique doit penser à son maître, l’homme doit penser à Dieu. Ce qui ne prouve ni son existence ni son inexistence, mais seulement un besoin humain semblable à la langueur dans le crépuscule gros d’un chagrin sans espoir ; mais le lendemain, dès les premiers rayons du soleil, l’homme s’affaire à nouveau gaiement et accomplit ses forfaits habituels avec son insouciance habituelle. » (p. 67)
Ce mot de crépuscule qui revient souvent, il rend si bien compte de l’atmosphère de ce livre, ce vieil homme qui se penche sur lui, sur le passé, sur le monde. En état crépusculaire, lui, le monde.
Et toujours, inévitable, il me semble, la question de la finitude et de la transcendance : « En même temps, mon être qui, pour ainsi dire, se heurte au monde, en souffre et s’y oppose, fait comme si ma présence ici-bas avait du poids, du sens, de l’importance : en fin de compte, cette aporie est insoluble si on renonce à la consolation de la religion, ce qui paraît à la lumière claire de l’esprit comme un escapisme creux et une lâcheté. – Cependant, un fait mystique (contradictio in adiecto) est indéniable : l’homme a une âme. Bien que les oiseaux aient aussi une âme, voire comme le dit Thomas Mann, que tout ait une âme. » (p. 68)

Nous les « reconnaissons »
« Nous connaissons les grandes œuvres depuis très longtemps, depuis les rêves d’avant notre vie, d’avant notre naissance ; et quand nous les voyons, les entendons ou les lisons pour la première fois, nous ne faisons que les reconnaître : oui, c’est ça. »
Non, cette citation n’est pas de Pascal Quignard, qui pourrait sans doute la signer ! Elle est de nouveau d’Imre Kertész dans le Spectateur. (p. 71)

Lucidité
Je le disais, même si la tentation du repli est présente, Kertész continue à observer et surtout à penser le monde dans lequel il est immergé. Avec beaucoup de lucidité : « (…Études sur le “nationalisme”. Mais le nationalisme n’est que la forme éphémère de la haine et de la destruction universelles. En réalité, il faudrait découvrir les motifs profonds de la haine et de la destruction universelles, savoir pourquoi le monde se hait lui-même à ce point et fonce à une telle vitesse vers l’anéantissement. On observe deux changements concernant les cultures : l’homme a perdu la foi dans sa vie non seulement éternelle, mais aussi terrestre, sa vie n’a pas de but moral personnel (la charité et le salut) ni d’horizon commun créatif (une forme d’existence supérieure, créative, plus spirituelle) vers lequel il voudrait tendre. Le deuxième changement – qui d’ailleurs découle du premier : le rapport des hommes entre eux est devenu hostile ; un rapport de meurtrier à victime, de meurtrier à meurtrier, de victime à meurtrier. » (p. 74)

Le manque de sérieux
Et il relève notre « Manque général de sérieux. Ils sont désormais incapables de parler des questions importantes – et que dire des essentielles ! Pourtant la fin du monde qui bouillonne autour de nous est très propice à l’enrichissement silencieux de la vie, à son imprégnation par nous-mêmes. » (p. 82)

En écoutant Vikingur Ólafsson
Cette sensation étrange en l’écoutant, dans Bach en particulier, d’entendre certaines notes, certains traits, de main gauche en particulier, devenir comme signifiants. Je ne les entends en tous cas pas aussi bien chez les autres.
Et hier très bouleversée de lire dans un bel article d’entretien avec Valérie Zenatti que dans une période difficile elle avait écouté les variations Goldberg en boucle. Il me semble qu’elle ne précise pas dans quelle interprétation.
J’ai reçu en effet le dernier disque commandé de Vikingur Ólafsson, entièrement dédié à des pièces diverses de Bach dont de nombreuses transcriptions.

Musique et musique
Quand joue la musique, celle qui passe, celle que j’ai choisie moi-même, j’embarque ou pas, quelque chose m’accroche, une corde est lancée, que je désire saisir. C’est souvent le cas avec Vikingur Ólafsson. C’est parfois très concret comme sensation. Ce que j’appelle avoir l’oreille tirée. Il y a ce moment où la musique prend la main sur tout le reste.
J’écoute ce disque nouvellement reçu où il interprète diverses œuvres de Bach. Il y a en particulier une superbe aria variata (alla maniera italiana) en la mineur, BWV 989. Je vais essayer de trouver la partition, surtout pour l’aria, car les variations me paraissent bien difficiles. Vikingur Ólafsson écrit dans la notice du disque « Je crois que la musique de Bach est plus grande qu’aucun de nous, que n’importe quelle génération, que toute école de pensée. En fait, la musique de Bach est plus grande que Bach lui-même. » (Ma traduction, la notice n’est qu’en anglais et en allemand). Il écrit encore : « When you open a score of Bach’s music, a paradox immediately reveals itself: the music is incredibly rich and strikingly sparse at the same time, que je propose de traduire : « quand vous ouvrez une partition de Bach, un paradoxe vous saute aux yeux. La musique est incroyablement riche et en même temps très clairsemée. » Il y a très peu d’indications en dehors des notes. Pour avoir sur le pupitre en ce moment la musique de la Pavane pour une Infante défunte de Ravel et celle de la première variation des Goldberg de Bach, je comprends très bien ce qu’il veut dire !
À un moment donné de sa vie, le jeune Vikingur a fini ses études. Après des années et des années avec des professeurs, voici qu’il n’en a plus et qu’il a du temps, enfin, devant lui. Il décide de s’immerger dans Bach et d’en devenir en quelque sorte l’élève ; il découvre alors qu’il est exactement le professeur dont il a besoin car il vous enseigne à devenir votre propre professeur.

Dans le faisceau des vivants
J’ai repris hier (en raison d’une batterie vide sur ma liseuse principale !) une de mes anciennes liseuses et j’ai relu tout le début de Dans le faisceau des vivants de Valérie Zenatti. Livre écrit après la mort de son immense ami et maître Aharon Appelfeld. C’est magnifique. J’ai aussi acheté son nouveau livre, Qui-Vive, après avoir lu un bel entretien avec elle dans le Figaro.
Dans Le Faisceau des vivants, j’ai relevé ces mots : « C’est sans doute là, sans jamais prétendre donner de réponse, en retissant les liens brisés, en permettant de nouveau l’amour, l’affrontement et même les incompréhensions, qu’il [Aharon Appelfeld] a sauvé de l’effacement ce qui avait été condamné à l’effacement, replaçant la tragédie dans la chaîne des générations ».

Valérie Zenatti
Je voudrais collecter ici ces quelques faits relevés par Thierry Clermont dans son entretien avec Valérie Zenatti (Figaro du jeudi 4 février 2024). Dans l’appartement de cette dernière, dans le XXème arrondissement de Paris, un grand portrait de Kafka. Et sa bibliothèque essentielle : les contes d’Andersen, Les Misérables, les récits de Svetlana Alexievitch, Albert Camus, Charlotte Delbo, Dostoïevski, Proust, Jankélévitch. Elle joue aussi du violon, dont elle a repris l’étude (juste après l’attentat de Nice) et dont elle peut jouer parfois 7 heures par jour. Et elle fait partie de L’Orchestre des Grands Amateurs de Radio France. Enfin, bien sûr, elle est la traductrice d’Aharon Appelfeld. Elle a appris l’hébreu tardivement, vers 13 ans ; elle dit « l’hébreu est une langue dans laquelle j’ai envie de me blottir. Elle me permet de penser. J’écris avec l’hébreu en moi, d’où mon obsession pour les racines et l’étymologie ».
Je relève aussi cela : « À 9 ans, la petite Valérie a déjà lu les contes d’Andersen et Les Misérables, d’où naîtra sa fascination pour Cosette ; elle se met à étudier le violon, noircit des carnets et écrit des histoires. Dans son récit autobiographique Mensonges, elle confiait : ‘je conserve de la fin de mon enfance une obsession, écrire, tout noter, enregistrer en quelque sorte ma vie pour la revoir plus tard, et comprendre.’ Toujours en 1979, elle voit un épisode d’Holocauste. C’est le choc, le ‘traumatisme fondateur’. Celui qui lui fera dire : ‘Être juif est encore terriblement dangereux, voire mortel.’
Quatre ans plus tard, la famille Zenatti s’installe en Israël, dans le désert du Néguev, à Beersheba. Elle y lit Zola, Gide, L’Étranger de Camus, Raul Hilberg (La Destruction des Juifs en Europe), La Nuit, d’Elie Wiesel. De 1988 à 1990, elle effectue son service militaire.
→ écrivain, traductrice, violoniste, soldate… quel destin. Elle est née en 1970.

Les rencontres
Et une fois de plus je me réjouis de ces hasards apparents qui m’ont fait croiser ces deux derniers jours Valérie Zenatti et son violon, Bruno Monsaingeon et son violon, Sonia Wieder-Atherton, et l’hébreu (et le violoncelle, bien sûr).

Les flacons de sels
Mais pourquoi, pourquoi les ai-je abandonnés, les flacons de sels, voire parfois de poivre, de ce Flotoir ? Je les retrouve dans un Flotoir de 2019 où j’effectue des recherches sur Valérie Zenatti et Le Faisceau de vivants.

En relisant un Flotoir
2019, ce n’est pas loin, mais je constate que j’ai tant oublié de ce que j’ai noté. Et c’est bien pour cela que je le note ! Je me donne ici raison, totalement raison. Quelle merveilleuse réserve j’ai avec ce Flotoir et ces presque 25 années. Et j’avoue que je suis bouleversée en relisant quelques pages de 2020. Par cette richesse, par ces mots collectés, et qui ne sont pas perdus, que je peux retrouver à ma guise. Même en ligne, puisque je publie d’importants extraits du Flotoir e ligne

J’aurais aimé être là
Bel article de Marie-Aude Roux dans Le Monde du 6 janvier, sur le réalisateur et musicien Bruno Monsaingeon à qui on doit des films exceptionnels sur Glenn Gould, Yehudi Menuhin, Sviatoslav Richter, Nadia Boulanger… et même Marie-Claire Alain : « La musicienne lui a donné rendez-vous à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine). Le coup de foudre est instantané. Ensemble, ils tourneront Orgues, toccatas et fantaisies, un récital consacré à Bach. ‘Une femme étonnante, avec ses allures de mercière derrière son établi, qui mêlait à l’intelligence la plus profonde la simplicité la plus déroutante’, s’enthousiasme Monsaingeon, louant aussi la patience infinie de l’organiste. Une nuit entière sur trois mesures de la Toccata en fa majeur, BWV 540. ‘C’était à l’église Saint-Bavon de Haarlem, aux Pays-Bas. J’avais imaginé un travelling qui suivait une phrase entière. À chaque fois, un truc n’allait pas. On a fait 128 prises.’ Même chose à St. Georgen de Rötha, près de Köthen, en Allemagne, où le réalisateur avait mis une bougie pour éclairer la main droite qui joue le choral O Mensch, bewein deine Sünde gross. ‘On a passé une après-midi dessus. À la fin, j’ai eu une irrépressible envie de la Sonate pour violon, BWV 1016, de Bach. Elle connaissait la partition, j’avais mon violon : on a joué dans une communion totale.’ »

Les maisons qui n’ont plus d’enfants
Je publie à l’instant une note de lecture d’Yves Boudier sur un magnifique livre de Jean Daive tout récemment publié par les éditions Terracol. Je relève ces mots : « Noël des maisons qui n’ont plus d’enfants est un conte. Ce livre d’exception nous fait entendre et vivre une ontologie généralisée qui tente d’unifier une triple sémiologie, celle du signe, de la trace et du son ; de la lettre, de la ligne et de la note ; de l’écriture, de la peinture et de la musique, enfin. »

Kertész
Je continue ma lecture du livre Le Spectateur d’Imre Kertész. Très grande âpreté de ce livre, avec notamment un tableau de la société hongroise très négatif (« Aujourd’hui à Budapest, Jérôme Bosch aurait le tournis devant l’abondance de motifs et de modèles pour ses peintures infernales. », p. 88). Kertész ne se reconnait en rien comme écrivain hongrois, sa seule identité serait celle d’écrivain d’Auschwitz. Il tient des propos qui peuvent presque sembler iconoclastes, on a le sentiment qu’il n’a plus rien à redouter, il cherche et il écrit ce qu’il trouve, quitte à ce que ce soit étrange, scandaleux peut-être même. Et ce n’est pas seulement son pays qu’il secoue de fond en comble, mais aussi son lecteur.

Contradiction
« Il faut comprendre deux choses à la fois : l’importance et la signification incroyables de l’existence individuelle, unique, tout comme son caractère incroyablement superflu et insignifiant. Il ne faut pas “traiter” tous les phénomènes ; il est beaucoup plus moral de laisser irrésolus les problèmes insolubles et de laisser les questions brûlantes nous brûler et nous tenailler. »
(Le Spectateur: Notes 1991-2001, pp. 85-86).

La sélection négative
« La réalité est juste à l’opposé de la théorie de Darwin : le principe naturel, c’est la sélection négative. Ce ne sont pas les meilleurs qui “règnent”, mais les plus mauvais. » (p. 93)
→ N’avons-nous pas, chacun dans nos différents univers de vie des exemples flagrants de cette assertion terrible de Kertész ? C’est une réflexion que je m’étais faite très tôt dans ma vie professionnelle : il y avait souvent un rapport inversement proportionnel entre la qualité du travail ou d’une personne et l’avancement qu’on lui concédait.

Folie
« Le Moi : folie qui empêche de se voir soi-même et finit par nous faire devenir l’assassin d’autrui – et souvent de nous-mêmes. » (p. 94)

Je ne suis pas un écrivain hongrois
« Quant à moi, je n’ai jamais exercé la moindre influence sur ce qu’on appelle la littérature hongroise, et je ne peux pas le faire, car il faudrait pour cela que j’adopte les idées hongroises, qui sont des idées erronées, et que je me plonge dans la conscience hongroise, qui est une conscience erronée. Je suis un écrivain juif, et je souligne que juif signifie ici universel ; donc, je ne suis pas un écrivain israélien, pas un écrivain hassidique suivant les traditions de l’Ancien Testament – non, mais le gardien de la seule forme d’existence universelle et de la conscience universelle, un Européen menant une existence sans patrie – et au-delà des patries : c’est-à-dire que je suis juif, éclectique, existentialiste, croyant sans religion, errant exilé qui n’est pas chez lui dans son pays, dont la seule identité est l’identité de l’écriture, un écrivain dont l’œuvre se détache de la langue dans laquelle elle a été conçue et exerce son influence là où les gens l’écoutent et lui ouvrent leur cœur – je suis un écrivain traqué et heureux qui puise sa satisfaction dans la création, la liberté, l’autonomie et un système de valeur propre, utilisant et formulant au fond les dernières possibilités de l’héroïsme, qui se trouve là où il est par erreur, utilise par erreur la langue qui lui a été donnée, est né par erreur pour ce à quoi les circonstances de sa naissance l’ont condamné – mais qui a su faire de toutes ces erreurs un destin à travers son œuvre et sa vie. » (p. 95)
→ le mot écrivain ne devrait-il pas n’être jamais couplé avec un adjectif définissant. Hongrois, juif, expérimental, ne sont-ce pas déjà des limitations du champ ? Une assignation à résidence ?

De la musique
« Les quatuors à cordes de Beethoven accompagnent ma vie absurde. Ils démontrent que l’artiste doit vivre (ou être) seul, les yeux (les oreilles) rivé(e)s au temps qui passe et à la décomposition remplie de souvenirs. La vie parfaite se contente du cœur mélancolique, de la grande âme et de l’esprit bouillonnant de la joie des solutions, et la vie parfaite, si fatigante soit-elle par ailleurs, ou ennuyeuse (disons plutôt : incolore) suffit parfaitement au bonheur. » (pp. 97-98).

Auschwitz
Les notes de Kertész sur Auschwitz sont nombreuses et importantes. Je tente d’en compiler quelques-unes dans ce Flotoir, comme base de réflexion. « Auschwitz n’appartient pas à Hitler. Hitler peut être le produit d’un moment de l’histoire, tandis qu’Auschwitz est la manifestation de la nature humaine, de même que, par ailleurs, la musique ou les religions. Auschwitz n’est pas en soi une qualité nouvelle ; Auschwitz est seulement une qualité radicalement nouvelle de la réalité ; ce qui se produit est possible, et seul ce qui est possible se produit – comme l’écrit plus ou moins Kafka. (Pas encore à propos d’Auschwitz, mais seulement à propos d’une possibilité manifestement immanente.) Auschwitz est une manifestation ; et nullement une révélation (une épiphanie). » (pp. 98-99)

De l’âme
« La couche supérieure de l’individu – intellectuelle, morale, pour ainsi dire sa superstructure tangible – peut être rapidement désagrégée, et alors on devient ce que le pouvoir, la violence, les rapports de force veulent qu’on soit – une masse, une médiocrité prévisible, de la matière, des corps ; mais il y a en dessous de tout cela une troisième couche, inaccessible aux autres, qui caractérise indépendamment de tout et de tous la personne dans laquelle elle vit, et on n’a pas trouvé à cette chose meilleure dénomination que l’âme. »(p. 100)
→ ne pas me limiter dans les extraits que je reprends dans ce Flotoir. Je le fais pour moi avant tout et je peux très bien sabrer certaines citations pour la mise en ligne. N’ai-je pas encore ressenti hier la richesse accumulée dans ce Flotoir. La limite ne fait pas partie de son modus operandi et vivendi ! Car je que je collige ici, je n’irai pas forcément le retrouver plus tard dans le livre dont c’est issu. Le Flotoir c’est aussi une fabuleuse bibliothèque portative.

L’écrirai-je ?
Cette sorte de confession désabusée de Kertész alors même qu’il me semble que, précisément dans ces notes, il écrit aussi loin que possible, plus loin peut-être qu’il ne l’a fait antérieurement : « J’ai déjà noirci quantité de feuillets mais j’ai l’impression que ce que j’ai à dire reste bloqué en moi. De sorte que se pose la question suivante : pourrai-je jamais exprimer ce qui voudrait constamment sortir de moi car depuis une soixantaine d’années, j’ai mis de côté toutes les choses importantes pour, ma plume à la main, être prêt à tout instant : peut-être pourrai-je enfin l’écrire ?… Mais je sais que je ne l’écrirai plus jamais. Et entretemps, accessoirement, la vie est passée. » (pp. 103-104)
→ Je crois que le lecteur sensible perçoit toute la dimension de ce qui est latent, bloqué, subliminal dans le propos de Kertész et c’est ce qui fait, parmi beaucoup d’autres choses, la force de ce texte.

Les fins dernières
Un texte de Seamus Heaney cité dans un des envois de la belle revue Catastrophes. C’est un texte pour moi extraordinairement éclairant, dans la mesure où j’ai vécu ce que dit ici le poète, dans une très large mesure. « Dans une lettre de 2006 à Jane Miller, Seamus Heaney cite cette déclaration de Samuel Beckett qui lui a été rapportée par Derek Mahon : ‘Toute ma vie j’ai attendu d’être vieux’. Puis, il ajoute : Ce n’est pas que j’aie attendu d’être vieux, mais plutôt que dès très tôt (et pour le dire avec les mots de Yeats) ‘j’ai commencé à préparer ma mort’. Quand j’étais jeune, du moment où j’ai compris ce qui m’arrivait et jusqu’au début de l’adolescence au moins, j’ai vécu dans le giron de la religion. Ma conscience fut formée, ou pour le dire mieux, dominée, par les conceptions, les formulations, la pédagogie, les prières et les pratiques catholiques. Toutes les sortes de simplifications de ces éléments coexistaient avec l’expression canonique de la doctrine orthodoxe, dans tous ses aspects. Par exemple : L’âme à la naissance est comme un mouchoir blanc tout propre et quand nous mourrons il y aura un jugement particulier, et si l’âme est toujours propre nous irons au paradis. Ce qui était une autre manière de dire que l’on irait au paradis à condition qu’on meure dans un état sanctifié par la grâce. Ou au contraire, on serait envoyé à la damnation éternelle en enfer si l’on mourrait dans un état de péché mortel. Donc dès le commencement il y eut le drame des choses ultimes, ou plutôt leur mélodrame et leur terreur. À peine sorti du berceau, on envisageait le lit de mort. (…) ; on vivait toute notre vie accompagnée de l’énorme écho acoustique d’un univers de lumière et de ténèbre, de mort et de vie éternelle, de louanges à Dieu et de prières aux morts […] Tout cela (et je ne crois pas avoir exagéré) me semble avoir offert un ordre originaire et une lecture structurée de la condition mortelle que je n’ai jamais vraiment déconstruits par la suite. J’aurais sans doute parlé différemment, et certainement d’un ton moins assuré, si vous m’aviez interrogé à propos de tout cela il y a trente ans. Naturellement j’ai continué à m’éduquer moi-même du mieux que j’ai pu, depuis une jeunesse catéchisée vers un âge adulte séculier. L’étude de la littérature, la découverte du vin, des femmes et des chansons, l’arrivée de la poésie, puis le mariage et la famille, plus un assentiment général, générationnel, à l’idée que Dieu était mort, tout cela a jeté un voile ou un rideau sur le monde visionnaire qu’il y eut d’abord. Et pourtant, la maturité venue, ma familiarité grandissante avec les mythes du monde classique (et la Commedia de Dante — sous-culture catholique irlandaise avec ratification de haute culture) m’a fourni un imaginaire cosmologique qui correspondait relativement bien avec celui que j’avais connu originairement : l’imagination poétique présentant un monde de lumière et un monde de ténèbre, un monde d’ombres, pas tant une vie post-mortem [afterlife] qu’une image fantôme de la vie [after-image of life]. Donc, je pense que dans mon cas, vieillir a consisté à s’accorder avec ces archétypes. (p. 672-673, trad. de Pierre Vinclair).
→ Quand le Flotoir devient une sorte de tabernacle ! Et soudain, derrière l’évocation de la petite armoire du calice sur l’autel, dans l’église, j’entends cet autre « tabernacle ! »  qui est une sorte de juron au Québec ! Il manquait à l’analyse de Seamus Heaney le côté blasphématoire et très anticlérical qui m’habite. Mais en ce qui concerne la terrible imprégnation originelle, qui pourrait s’apparenter à certains égards à un viol de conscience, je les suis entièrement cette analyse et cette idée que cette éducation-là peut poser, pose à notre insu sur  le monde tout entier une sorte de grille de lecture dont il est très difficile d’écarter les barreaux, voire de les scier.

La poésie est vivante
La citation est due à Pierre Vinclair qui écrit : « On retrouve dans cet extrait la voix de Seamus Heaney qui s’exprimait déjà dans Stepping Stones, le recueil d’entretiens menés par Dennis O’Driscoll : celle d’un interlocuteur chaleureux, profond et humble, qui n’hésite pas à mobiliser les grands auteurs pour répondre aux grandes questions, mais sans orgueil ni posture fanfaronne, avec une sincérité à peine modulée par l’élégance de son expression. Le trait par lequel il définit la Divine comédie, « Irish Catholic subculture with high cultural ratification » pourrait d’ailleurs lui servir d’épitaphe à lui : Seamus Heaney est en même temps le petit gars de Derry et l’un des poètes anglophones les plus profonds et les plus célébrés de son époque, la simultanéité de ces qualités signifiant notamment que la poésie est vivante.

De Seamus à Imre
C’est aussi par la littérature et la musique que l’on s’ouvre à la diversité infinie du monde, des langues, des cultures. Et des noms qui de plus en plus me fascinent. On me demande parfois comment je fais pour retenir tant de noms propres ? Eh bien, c’est tout simplement qu’ils m’intéressent en tant que noms, d’où ils viennent, de quelle région, de quel pays, comment ils sont « fabriqués ».
« L’onomastique est la science qui se donne pour objet l’étude des noms propres. Elle se subdivise en plusieurs branches, dont les plus importantes pour l’historien sont consacrées aux noms de lieu, de rivière, de personne et portent les noms respectifs de toponymie, hydronymie, anthroponymie, formés tous trois d’après d’anciens mots grecs. » (source)
→ Très tôt, par la littérature mais surtout par la musique, j’ai été mise en présence des patronymes étrangers, un Sviatoslav Richter dont le v initial du prénom était si difficile à caser, un Claudio Arrau, un Nikolaï Rimski-Korsakov et la ville invisible de Kitège, Ludwig van Beethoven ou Wolfgang Amadeus Mozart… à 10 ans, 12 ans, à une époque où je ne tenais pas encore compte du nom des auteurs des livres que je lisais, les noms des musiciens et des interprètes ont commencé à m’imprégner et cela d’autant plus qu’ils étaient sans cesse répétés.
Alors après avoir accompagné Seamus, je retourne chez Imre

De l’expérience négative
Kertész : « Confondre l’expérience négative avec le pessimisme : quel dilettantisme, quelle ignorance ! Le pessimisme est un tempérament qui peut se cacher derrière des efforts optimistes – et il le fait généralement ; en revanche, l’expérience négative n’est pas l’opposé de la vitalité, mais qui plus est, c’est la seule source créative où les grandes œuvres de ce siècle ont puisé leur force ; elle ne devient destructive que si l’on en fait une idéologie ; il n’est alors plus question d’expérience négative, mais d’un acte négatif qu’on enrichit d’une fausse vitalité, surtout de nationalisme, pour le rendre “positif” ; qui ne sait pas faire la différence entre expérience et idéologie – ces deux opposés – ne devrait pas être autorisé à s’occuper de critique ou d’histoire des idées. En ce qui me concerne : ma judéité a été mon expérience négative, et comme je l’ai vécue radicalement, elle m’a conduit à la délivrance. » (pp. 111-112)
Et je me souviens que j’ai lu récemment un livre très intéressant sur les expériences négatives… et leur fécondité. (Trois capacités négatives d’Adam Phillips).

Naître
« Naître, c’est être expulsé d’une obscurité bienveillante vers un monde sans amour. Et si quelqu’un peut dire qu’il a eu une vie merveilleuse, c’est parce qu’il a aimé et été aimé. Il n’y a pas d’autre valeur sur cette terre. » (p. 115)

L’existentiel et le fonctionnel
Belle réponse faite à Ligeti, qu’il connaissait bien, très éclairante sur la condition de l’homme contemporain : « Je réponds à Ligeti : qu’est-ce que l’existentiel ? Tout ce qui n’est pas fonctionnel. Le totalitarisme séculaire industriel et/ou politique qui nous entoure ne fait qu’assigner un rôle et une fonction à l’individu qui peut vivre sa vie au sein de ces fonctions, sans regarder une seule fois en face sa situation humaine ni prendre conscience des devoirs individuels qui découlent de son existence individuelle, de la vraie réalité de sa vie, de sa différence et du fait qu’il doit en conséquence de tout cela aspirer à l’autonomie. Aspirer à sa propre vie, à ses moyens d’expression et, pour reprendre Rilke, “à sa propre mort’ ». (p. 118)
Et plus loin : « chacun doit connaître sa propre faute et l’assumer autant que possible ; la plupart n’assumeront rien et on n’a pas le droit de le leur reprocher. Ces personnes ne demandent pas à prendre part à leur propre vie, parce qu’elles sont trop faibles et lâches pour vivre pleinement leur vie et leur mort, la destinée humaine ; ces personnes vont et viennent comme l’écume des vagues, et disparaissent sans laisser de trace, ne devant leur vie qu’à quelques principes physiques et biologiques, de même qu’elles sont apparues… » (p. 122)

Auschwitz
Je l’ai écrit un peu plus haut, dans ces pages de notes quotidiennes, Imre Kertész revient constamment sur Auschwitz, avec souvent un point de vue très particulier. « Finalement, je dois être reconnaissant d’avoir vu et vécu Auschwitz, réalité malgré tout réelle et originale qui a été pour moi une révélation, et a affecté ma vie en me faisant prendre conscience de son caractère unique et extraordinaire ; et cela me suffit comme stimulation, contenu et savoir… » (p. 123)

Il fait nuit désormais
« Dieu est mort au siècle dernier ; il a laissé une étoile qui a saupoudré la terre de sa lumière évanescente, puis a disparu au début de ce siècle. Il fait nuit désormais. La beauté s’est éteinte. » (p. 125)
→ Je ne suis pas sûre qu’elle soit totalement éteinte, elle brille très faiblement et surtout elle est comme écrasée, dans sa luminosité faible, par toute la pollution lumineuse de l’époque, pollution lumineuse étant ici quasiment une métaphore. Me viennent si souvent ces mots devant un décor, un habillement, une création artistique, une photo, un « paysage » : tout est laid. La beauté serait sous le boisseau. Verset 5:15 de l’Évangile selon Matthieu : « Et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. »

Une mort
Bouleversée par ces quelques mots du journal de Kertész, évoquant la disparition de sa femme (le spectre d’Hubert Lucot passe). « Ce matin, j’ai lavé ses chemises de nuit puis les ai suspendues sur un cintre ; elles tombaient de manière que j’y voyais le mouvement de son corps. Je suis allé à l’appartement de la rue Török, j’ai acheté pour Elle du poulet au riz sur le boulevard Margit. Je suis allé au service de rhumatologie pour une séance d’électrothérapie de ma sciatique. Puis, retour à l’hôpital – la porte du Dr Andris était ouverte (c’était Yom Kippour) et je suis directement entré chez lui. Il était au téléphone, mais il a aussitôt raccroché en disant qu’il avait une visite. Il m’a dit : “Elle s’est endormie” – je n’ai pas compris tout de suite qu’elle était morte. » (p. 126-127)
Message d’une proche, il y a quelques jours : « J. s’est endormi paisiblement ce matin, sans souffrances. »
La lampe et la beauté s’éteignent. Ceux qui meurent s’endorment
Et devant la mort : « Garde en toi la lumière, écrit Kertész ? Dans ton corps terrestre périssable, dans ton être obscur, embourbé dans la fange, protège de tes mains la petite flamme qu’on désigne du mot dérisoire d’âme ; tu remettras cette flamme à quelqu’un qui tendra la main et, d’un geste prudent et protecteur, tâchera de la préserver du vent, de la disparition ; la petite flamme finira par s’éteindre – mais elle aura brûlé. Est-ce que cela signifie quelque chose ? Ce n’est pas à toi de poser la question ; toi, il t’incombe de garder toutes les flammes et d’en nourrir ton propre feu…(p. 128)
Et qui mieux que ceux qui laissent une œuvre assurent la pérennité d’une forme de lumière ou de feu ? Imre, vous êtes mort le 31 mars 2016 mais la flamme est là, vous me la transmettez par ces mots que vous écrivez dans le Spectateur.
Sauvegarde, c’est le titre d’un de vos livres que je note ici. Dans le désir de me porter vers lui.

Le point d’Archimède de notre identité
Ce qui est remarquable, chez Kertész, c’est la capacité d’extrapoler des questions de l’individu à celles de la société (hongroise en particulier) et vice-versa. Pour preuve, ce double paragraphe : « Le point d’Archimède de notre identité est visiblement le regard de l’autre, la conscience de l’autre, par rapport à laquelle se forme la conscience de notre identité – le rôle ; en l’absence de l’autre, l’incertitude de perdre notre rôle nous menace, en plus du deuil et de la perte d’une affection. La disparition de l’occupant a plongé dans la perplexité l’âme européenne affligée d’un complexe paternel et croupissant dans une perversion sadomasochiste. En tout cas, la structure de l’âme hongroise ne peut, à l’évidence, se passer d’un grand oppresseur qu’elle peut accuser de ses malheurs, et du bouc émissaire minoritaire aux dépens duquel elle peut étancher sa soif impuissante de vengeance. » (p. 131)

Gratitude et expression
« La gratitude est balbutiante. Les sentiments balbutiants sont inexprimables par l’écriture. Il est vraisemblable que les sentiments les plus grands, les plus importants soient inexprimables par l’écriture. Nous devons nous abandonner à des sentiments que l’écriture ne peut exprimer, parce qu’il est vraisemblable que ce sont des sentiments véritables, qui plaisent à Dieu ou ne lui plaisent pas ; il faut les ressentir puis passer à l’expression littéraire, et espérer en secret que les sentiments inexprimables par l’écriture vont s’infiltrer dans l’écriture, et si cela se produit ne serait-ce qu’une fois, il faut se dire qu’un miracle s’est produit. » (pp. 133-134)

Un journal
Voilà qui ne peut que me conforter dans mes travaux quotidiens de collecte de toutes sortes de choses, faits de ma vie, livres lus, musiques entendues, extraits d’articles  : « Tenir un journal n’est pas seulement un devoir métaphysique ; en fait, il importe que je me souvienne de certaines choses – et surtout des choses décisives –, y compris de leur date. » (p. 135)
→ J’ai bien aimé aussi cette idée de Jean-Christophe Dichant, le formateur photo qui dit que chaque matin, ouvrant son journal, il lit ce qu’il a écrit juste un an avant. J’ai ressenti ces derniers temps des difficultés avec le temps. La désorganisation due aux périodes festives & les petits épisodes de santé, bien que sans gravité, y sont pour quelque chose. Cela engendre un sentiment de flottement peu confortable. Alors j’écris pour fixer. J’ai toujours écrit pour contrer l’oubli. Cette tendance se renforce. Sorte de travail de la mémoire.

La célèbre remarque d’Adorno
Tant et tant donnent leur sentiment au sujet de cette remarque ! Souvent pour expliquer que les autres n’ont rien compris ! Alors, reproduire soigneusement ici celui de quelqu’un qui est bien placé pour savoir de quoi il parle, quelqu’un dont toute l’œuvre est comme imprégnée de l’expérience et de la question d’Auschwitz. Imre Kertész bien sûr : « La célèbre remarque d’Adorno sur les possibilités de la poésie (de l’art) après Auschwitz témoigne d’un parfait malentendu, aussi bien concernant la chose (Auschwitz) que la créativité humaine – et même plutôt concernant la relation entre les deux ; ce malentendu est celui du moraliste qui prend toujours les choses trop au sérieux, alors qu’il faut commencer par les débarrasser de leur gravité moralisatrice pour pouvoir vraiment les prendre au sérieux. Faire de l’art avec Auschwitz – tel est le plus grand défi de tout artiste, et je pense aussi bien à Beethoven qu’à Tolstoï ou Rembrandt : il est certain qu’ils auraient relevé ce défi et auraient trouvé le jeu qui sanctifie la chose (Auschwitz) de même qu’ils auraient créé une forme éternelle dans l’esprit de l’art, procurant ainsi à tous une joie mêlée de deuil. » (p. 137)

Le livre des morts
Kertész revient à la disparition d’Albina, sa femme  « Combien de temps les morts vivent-ils en nous, les vivants ? Mais vivent-ils “pour de vrai” ? S’il est impossible que ce soit “pour de vrai” – ils vivent quand même… Il semble qu’ils souffrent avant de se libérer de leurs “liens terrestres”, ou comment dire… et après cela, ils vivent encore, même s’ils ne sont pas en vie, d’une manière extralinguistique, ils sont… Mais comment “est” le mort – comment vit-il, en qui vit-il –, s’il n’y a pas de proche, de vivant dans lequel il aurait laissé des traces et qui se souvienne de lui ? Un coup d’œil dans Le Livre des morts tibétain me confirme que ce que j’imagine correspond à un mythe existant. J’ai à l’esprit ce que le Livre des morts nomme “délivrance” et je suis surpris de constater qu’il traite si brièvement le vivant qui vient en aide au mort, et qui, à mon avis, a le devoir de le faire. Dans cette relation, dans la relation profondément attentionnée du vivant au mort, le mot amour prend son sens véritable et peut-être exclusif. – J’ai pu apporter moins d’aide à ma pauvre mère qui a longtemps souffert en moi qu’à Albina : le travail que j’ai fourni pour Elle – mon travail de deuil – a créé l’œuvre de l’amour – j’ai peut-être contribué à sa “délivrance” » (p. 139)
→Je mène une brève recherche, cherchant l’année exacte de la mort d’Albina [1995] et je tombe sur un bel article sur le livre de Clara Royer, Imre Kertesz, L’histoire de mes morts, que je télécharge derechef sur ma liseuse.

Le livre
Quelques précisions sur le Spectateur, notes 1991-2001 : « [Dans] Le Spectateur, recueil de notes sorti à Budapest l’année de sa mort, en 2016, mais qui paraît en français seulement aujourd’hui, l’écrivain hongrois commente : ‘Mon existence est fantomatique. Je ne la vis pas pleinement, comme si je n’en étais que le spectateur.’ C’est quand elle est en mots que la vie devient réelle. La règle : ‘Tout écrire, comme ça vient’, ‘sans cadenas sur la bouche’. (source)

Il y a quand même dans la rue des gens qui passent
Beau titre du livre de Robert Bober, emprunté à Reverdy, mais je l’ai déjà noté, cet ouvrage m’a un peu déconcertée. Sa forme, des lettres écrites post mortem bien sûr, puisque le livre est tout récent, à son grand ami Pierre Dumayet (disparu en 2011). L’évocation de nombreux faits nécessite des retours en arrière, de situer le fait évoqué dans son contexte d’origine, ce qui crée une impression un peu confuse. Le plus profond se mêle à l’anecdotique. Bober en était conscient au demeurant, qui écrit dans les premières pages du livre : « je reprends la plume et le crayon que j’avais laissés à l’abandon. Même si je crains d’être comme cette ruelle dont se souvenait Aragon et dont il disait qu’elle avait oublié d’aller quelque part. Aussi, comme le précédent, ce livre va sans doute ne ressembler à rien qu’à son propre désordre. » (Robert Bober, Il y a quand même dans la rue des gens qui passent, p. 10)
Et je retrouve en effet la question posée début janvier, sur vivre c’est écrire : « Il m’arrive de sentir davantage ce que vivre veut dire en écrivant » a dit Pierre Reverdy et rappelle Robert Bober (p. 22)
Et gratitude pour cet extrait de poème d’Apollinaire : « Dans le poème Cortège de Guillaume Apollinaire il y a ces vers : ‘Un jour / Un jour je m’attendais moi-même / Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes / Pour que je sache enfin celui-là que je suis » (cité p. 27)
→ peut-être faut-il simplement accepter le « désordre » de ce livre comme celui d’une mémoire dans laquelle puise Robert Bober, qui a bien des souvenirs passionnants, de son enfance, de sa vie de cinéaste, de ses lectures, de ses admirations… Curieusement refeuilletant le livre sur mon ordinateur, j’ai cette impression d’une richesse plus cohérente que celle que m’avait procurée ma première lecture.. Il faut dire qu’ici les images, nombreuses et qui jouent un rôle important dans le propos, sont bien plus « lisibles » que sur la liseuse.

Un portrait de la photographe Diane Arbus
Bober qui est un homme d’images, fait souvent appel à des photos. Il reste un long moment sur une photo de Diane Arbus, « un géant juif chez lui avec ses parents dans le Bronx, NY 1970 ».
« Nous savons que Diane Arbus, guidée par le besoin d’entretenir un contact avec les personnages hors norme, attachée à maintenir une relation de confiance avec ceux qu’elle photographiait, revenait les photographier quelques années après. Mais pas ce géant. Cette photo a été faite en 1970. Un an avant la mort de Diane Arbus. Dépressive, elle s’était suicidée. Elle venait d’avoir quarante-huit ans. » (p. 36)

De la relecture
Bober cite Perec et j’aime cette citation (nombreuses autres références à Perec dans le livre) : « Je lis peu, mais je relis sans cesse, Flaubert et Jules Verne, Roussel et Kafka, Leiris et Queneau ; je relis les livres que j’aime et j’aime les livres que je relis, et chaque fois avec la même jouissance, que je relise vingt pages, trois chapitres ou le livre entier : celle d’une complicité, d’une connivence, ou plus encore, au-delà, celle d’une parenté enfin retrouvée. » (p. 53). Et pour Perec, dont les parents ont disparu, comme la lettre e de son livre, la parenté retrouvée, ce n’est pas rien !
Citation de Perec encore : « L’espace fond comme le sable coule entre les doigts. Le temps l’emporte et ne m’en laisse que des lambeaux informes : Écrire : essayer, méticuleusement de retenir quelque chose, de faire survivre, quelque chose : arracher quelques bribes précises au vide qui se creuse, laisser, quelque part, un sillon, une trace, une marque ou quelques signes. » (cité p. 148)

Avec un livre de photographies de Dorothea Lange
Photo encore chez Robert Bober : « J’ai passé une journée entière à lire et à regarder l’album de photographies que Robert Coles – Prix Pulitzer – a consacré à Dorothea Lange. Dans ses notes, évoquant sa photo la plus célèbre légendée : « La soupe populaire de l’Ange blanc, San Francisco, 1932 », Dorothea Lange avait écrit : « Je l’ai faite le premier jour où je suis allée dans un quartier à propos duquel on m’avait dit « Oh ! n’allez pas là-bas ! ». C’est le premier jour où j’ai réellement pris une photo dans la rue. Coles, dans ce même livre, parle aussi de William Carlos Williams. « Écoutez, disait Williams, voyez, et faites attention s’il vous plaît. » Il ne faut pas croire pour autant que Williams était photographe. Il était médecin. De ceux qu’on appelait « docteur des pauvres ». Après une visite, en partant, il laissait derrière lui des échantillons gratuits envoyés par des laboratoires pharmaceutiques. Sur le docteur Williams, Robert Coles nous en dit plus encore, comme si en le faisant, il nous disait comment Dorothea Lange photographiait. Tu le sais, j’aime bien rester avec un livre que j’ai aimé. Cet album sur Dorothea Lange ça fait deux jours qu’il est sur mon bureau. En couverture, il y a la photo Migrant Mother, Nipoma, Californie. Je crois qu’il va rester là encore quelque temps avant de retrouver sa place dans ma bibliothèque. Il y a des images qui nous demandent d’attendre, de rester encore un peu avec elles, de prendre la peine de les regarder plus longtemps. » (p. 150)
Le Flotoir est aussi un conservatoire (et un mémorial parfois aussi), j’aime y nommer des figures comme Diane Arbus et Dorothea Lange. Et c’est aussi une belle histoire de lecteur ou de lecture que ces propos de Robert Bober. Je ressens, rapportée par lui, comme une intimité avec le livre et même avec Dorothea Lange. Je la ressens souvent, cette intimité. Intimité avec une présence paradoxale. Intense mais absente !

Un simple récit, bouleversant
Parmi les pépites que j’ai trouvées dans le livre de Bober, ce récit : « En 1975, au cours de la soirée où j’avais enregistré mon père me racontant son enfance et sa jeunesse passées en Pologne, ma mère était évidemment présente, et pensant qu’elle pouvait éventuellement intervenir pour dire des choses que mon père lui aurait racontées, ou bien simplement profiter de cet enregistrement pour dire des choses la concernant plus particulièrement, je lui avais passé le micro. À ma grande surprise, tout en prenant le micro, elle s’est levée de sa chaise, a attendu quelques instants, et j’ai entendu ma mère chanter la Sérénade de Schubert. Je ne l’avais encore jamais entendue chanter et je ne savais pas qu’elle avait une voix si pure. Je l’ai apprise à l’école m’a-t-elle dit en me rendant le micro. Depuis combien de temps ne l’avait-elle pas chantée ? Il aura fallu si longtemps, des récits d’enfance et un micro pour que j’entende sa voix. C’est ma mère qui chantait et c’est l’enfant restée en elle que j’entendais. Une enfant appliquée. J’avais à mon tour le micro en main et parce que l’émotion durait je n’ai pas pensé à arrêter l’enregistreur. La pensée brouillée, remontant trop en arrière, j’ai effacé sa voix. C’est plus tard, lorsque je m’en suis rendu compte avec effroi, que les larmes sont venues. Et rien ne me console de ce moment imbécile ou sa voix fut effacée. » (pp. 164-165)
→ parce que Schubert, parce que l’effacement d’un enregistrement, parce que la disparition des voix.

Chemins qui se croisent
Et toujours cet étonnement à voir ce qui se croise à un moment donné, apparemment par hasard, dans le champ de ma conscience et de mes recherches. Voici que surgit Appelfeld, alors que je relisais avant-hier le début du livre Dans le faisceau des vivants que Valérie Zenatti a écrit après la mort de ce dernier. Je suis encore chez Robert Bober. « ‘Quand on rencontre quelqu’un c’est signe que l’on devait croiser son chemin, c’est signe que l’on va recevoir de lui quelque chose qui nous manquait. Il ne faut pas ignorer ces rencontres. Dans chacune d’elles est contenue la promesse d’une découverte.’ Ce texte d’Aharon Appelfeld, je l’ai lu le 24 janvier 2021 sur France Inter au cours de l’émission Le Grand Atelier de Vincent Josse pour accueillir Mona Ozouf. » (p. 186)

Les bibliographies
Qu’elles en disent long parfois les bibliographies. Dans celle du livre de Robert Bober, je relève les noms de Martin Buber, les Marx Brothers (Groucho et Harpo), Appelfeld, Perec, Jankélévitch, Sebald, Vuillard, Franck Conroy qui fait renaître le souvenir de Corps et âme que j’ai lu il y a si longtemps [voir s’il est en Bretagne ?]
J’ai donc fini d’extraire ce livre de Robert Bober, Il y a quand même dans la rue des gens qui passent et le feuilletage du livre sur l’appli Kindle de l’ordinateur, avec les images, nombreuses, importantes dans le propos, en couleurs, bien plus en valeur que sur la liseuse, me laisse à penser que j’ai sans doute été un peu sévère avec le livre. On y est en tous cas en très bonne compagnie et le jeu tant aimé des échos fonctionne à plein.